extraits de l'âme de tara


Extrait 1- L'âme de Tara

Date : 17 Sep 2009 22 :33

De : Nathan@delcroix.fr

Objet : Où quand Cosette fait déborder le vase sans savoir comment ni pourquoi

À : Tara@enka.com


Houlala ! J’ai failli ne pas me reconnaître ! Ce visage anguleux, c’est bien moi ? Le temps nous bonifie, je me préfère maintenant, les angles légèrement rabotés et la coupe plus ordonnée.

 

J’avais essayé de te retrouver après les paras, mais tu avais disparu. Je ne pense pas t’avoir aimée autant que toi, même s’il est difficile, voire impossible, de parler des sentiments d’autrui. Pourtant, je pense que tu as beaucoup compté et j’ai également regretté le fait que nous nous soyons perdus de vue par "malentendu".

On va faire un petit saut dans le temps et passer directement à « Cosette met le feu à la forêt amazonienne. »

Il y a 3 ans, j’ai explosé en vol, j’ai étranglé le directeur de ma boîte. J’ai perdu mon boulot alors que je venais d’arriver dans la région : le milieu de la taille de pierre étant un microcosme, je ne pouvais plus vraiment travailler ici, car je venais de me griller dans la région.

Je n’avais plus d’argent pour déménager et j’en avais marre de fuir sans arrêt. J’ai perdu le contrôle à tous points de vue, je me suis fait écraser en voiture par un 38 tonnes et, pour la petite touche personnelle, j’ai envoyé chier tout le monde, amis et famille compris.

Pourtant, maintenant j’en suis certain, il existe toujours une solution.

Extrait 2- L'âme de TAra

Tara qui ne fumait jamais de substance illicite, acceptait cependant volontiers lorsqu’elle était avec Cay de se laisser dévergonder à l’occasion. Elle lorgna les mains actives de son frère, sachant très bien que la conversation ne tarderait pas à dégénérer sous les effluves de la seule plante que Carmen n’aurait jamais fait entrer dans sa boutique. Intérieurement elle sourit et poursuivit :

 

– C’était pas bien.

– …

– Je crois que j’avais autant envie de lui, que lui de moi. Dans ces cas-là, tu le sais comme moi, ça ne sert à rien de se poser trois fois la question, j’y vais où j’y vais pas. Ou tu t’en vas pour faire autre chose, et tu ne fais pas, ou tu restes, et ton choix est fait. Toutes les secondes qui s’écoulent entre sont des jeux un peu sadiques que l’on choisit d’éviter ou pas, mais qui mènent souvent au même résultat. Je suis restée.

– Et ?

 

Du bout des doigts Cay effrita une tête de beuh, grosse comme un flageolet, dans le creux de sa main, regarda sa sœur d’un œil circonspect et en ajouta une deuxième, avant de les mélanger soigneusement au tabac.

 

– Tu es venu pour des vacances ou me passer à la question ? Tu cherches à me faire parler ou tu as des choses à dire ? questionna Tara les mains sur les hanches.

– Les deux. Je me repose et je m’inquiète pour toi. Je suis disposé à t’écouter, mais je te vois venir, alors, je me prépare… Donc ? T’as fait comme si tu ne te jetais pas sur lui, il a fait comme si tu étais la seule femme à des milles à la ronde et, depuis, tu regrettes.

– C’est de toi dont tu me parles là ? Tu fais comme ça avec elles ?

– …

– Laisse-moi t’expliquer, sinon avec ton truc en plus, ça risque d’être compliqué ! signifia Tara en désignant le pétard du menton.

– C’est déjà compliqué ! Une femme qui explique un truc de cul à un mec, ça ne peut être que compliqué ! Alors, tu vas monter à bord de mon tapis magique, je vais te le faire gros et court pour qu’il fasse plus d’effet et tout va devenir simple ! On va voir si tu vois les choses de la même façon à 10 000 mètres d’altitude.

 

D’un geste sûr, il envoya la mixture au milieu du papier à rouler en formant un U. Les pouces firent le principal du travail et offrirent pression et soutien à son index qui définissait lentement la distribution du mélange. Il rajouta une pointe de capitule sur l’extrémité, un morceau de carton roulé à l’autre bout et lécha de tout son long la bande de papier excédante.

 

– OK « Mani », on va voir si tes arguments tiennent debout à 10 000 ! lança Tara, qui avait tendance en présence de son frère à la jouer plutôt masculine que féminine, afin d’être à la hauteur.

– Vas-y tu exposes à froid et, quand le moteur sera chaud, tu n’auras qu’à tirer sur le manche.

– C’était pas bien, ça veut dire que, quand tu as des sentiments pour quelqu’un, tu ne peux pas tout mélanger.

– Tu commences mal Tara ! Très mal ! T’as pioché ça dans quel magazine ? Elle ? Vis ma vie ? Tu peux mieux faire, allez ! N’oublie pas que c’est à ton frère que tu parles.

Dans une expiration sonore, Tara baissa les épaules et sortit tout net :

– T’as déjà couché avec une autre fille en même temps que celle avec qui tu étais ?

– C’est pas une question ça ! Tu me connais Tara, ce n’est pas que je ne les aime pas, c’est que je les aime toutes ! Eh, ho ! ajouta-t-il avec l’air de dire vas-y mollo. Tout de même, ça fait plus d’un an que je suis avec ma princesse, alors ne me scotche pas trop vite dans la catégorie des incorrigibles.

– Bon, bref, ça t’est déjà arrivé d’en sauter une et de te demander ce que tu foutais là ?

– Ah, ben voilà, maintenant tu parles plus comme la revue de chez le dentiste ! Non, ça ne m’est jamais arrivé. Et si ça m’arrivait ou, plutôt je devrais dire, quand ça m’arrivera, je l’espère, ou je prendrai mes jambes à mon cou, ou je n’aurai plus qu’à épouser celle qui sera capable d’un tour pareil.

– Ben, tu vois, passer son envie avec quelqu’un d’autre que celui ou celle dont tu rêves de sentir l’odeur de la peau, ce n’est pas une bonne idée. S’imbriquer parfaitement, façon Tétris, c’est tout un art qui requiert plus de désir et de complicité qu’il n’en faut pour tirer un coup. Tu peux tremper ton biscuit dans tous les desserts de la terre, le seul qui puisse te combler de plaisir, c’est celui dont tu as envie. Sinon, quand tu as fini, tu te rends compte que ce n’est pas ce que tu voulais et que ton désir ne t’a pas quitté. L’autre te manque toujours autant et le vide est plus grand. On n’offre pas la fidélité en gage d’amour, Cay. C’est un cadeau, un merveilleux cadeau que l’on se fait à soi-même, pas à l’autre.

– Merde ! Tara, tu es en train de m’expliquer que tu es amoureuse.

 


Extrait 3- L'âme de Tara

Le défi ce n’est pas l’objectif. C’est la peur. Le doute n’étant, lui, qu’un lointain petit cousin de la peur, elle n’a plus qu’à s’asseoir sur son lit et à le regarder comme un personnage qui l’indiffère.

« Et maintenant ? » se questionna Tara. 

Elle piocha dans la boîte un gâteau de la chance offert par Flo pour les fêtes et lut : « L’oiseau qui ne quitte pas son nid ne saura pas où mûrit le blé. » 

Il n’offrait aucune solution, non aucune. Il disait juste « bouge-toi, n’aie pas peur. » Effectivement, elle bougea. Elle mordit dans le gâteau jusqu’à le faire disparaître, l’avala vite dans l’espoir qu’il se digérerait en même temps que le mot du jour qu’elle posa sur la table de nuit et se recoucha, à l’abri, dans les plumes. Les plumes de l’édredon. Les plumes de l’oiseau qui reste dans son lit… 

 


Extrait 4- L'âme de Tara

Un jour, il chercha sa main pour se promener avec elle et elle commença à se méfier de l’interprétation qu’elle donnait aux choses. Quand Sandro badina en lui avouant qu’il cachait ses sentiments, elle se mit à douter que le soleil soit jaune, mais comprit que le sol puisse se dérober sous ses pieds.

 

Les mois passèrent et le loup ne revient pas dans la plaine voir Blanchette. Elle lui envoya quelques bêlements en direction des alpages, pour signaler sa présence, et le loup lui répondit par de brefs aboiements. Son clan comptait sur lui, il reprit donc le chemin de la tanière.

 

Tara pensa souvent à lui, mais son absence la libéra du poids de la culpabilité qu’elle aurait pu ressentir si elle avait pris pour prétexte un autre homme pour quitter son mari.

 

Pendant des mois, la montagne n’émit aucun écho d’un quelconque aboiement et Blanchette, depuis son enclos, rêva de bruyère, de sapins, des genêts d’or qu’elle avait respirés, de la pierre plate où, ruisselante, elle s’était couchée, des herbes savoureuses, fines et dentelées.

 

Un matin, Blanchette broutait, la corde au cou, dans son enclos, quand elle entendit un long hurlement déchirer ses chimères. C’était le loup. Il annonçait que sa louve avait besoin de lui et qu’il resterait là-haut dans la montagne.

 

La neige recouvrit de son long manteau blanc les campanules bleues, les fleurs de cytise, ainsi que les branches des châtaigniers, avant que la biquette n’ait le temps de s’en apercevoir.

 

Le printemps et l’été n’avaient plus d’attrait depuis que monsieur Seguin l’avait enfermée dans l’étable, jusqu’à ce qu’elle entendit, par derrière la fenêtre, la voix ronde et chaude du loup :

 

– J’ai cru que je t’avais perdue.

 Il était tellement heureux de l’entendre qu’il en oublia son « Salut ça va ? ».

 

– Pour un loup, tu ne te bats pas fort lorsque tu crains de perdre quelqu’un ! lui bêla pour réponse la biquette. 

Blanchette, surprise et enthousiaste malgré tout, eut envie de se libérer de sa corde et de sauter par la fenêtre pour gambader à ses côtés. Elle s’enquit de l’état de sa femelle, se regarda dans le reflet de l’eau de son écuelle et vit que, jamais, elle n’aurait un museau de loup pour renifler, que jamais, elle ne ferait partie de la meute. Elle cessa de tirer sur la corde pour se détacher, imagina encore une fois la couleur et l’odeur des fleurs sauvages qui se trouvaient de l’autre côté du mur et, comme tout là-haut, là-haut, on devait se sentir bien à gambader à ses côtés. La Biquette se résigna à passer un autre hiver chez monsieur Seguin en attendant de pouvoir, à son tour, choisir où elle irait brouter.